Emilie Brunette se confie sur son combat et son engagement contre le triple négatif

Bonjour Émilie et merci beaucoup d’avoir répondu à l’appel de Keep A Breast pour passer ce petit moment ensemble aujourd’hui. 

Blogueuse qu’on ne présente plus, entrepreneure pleine d’idées, femme avec un grand F et maman de deux petits choux, le moins qu’on puisse dire c’est que The Brunette est une femme occupée. 

Seulement, le 9 octobre 2020, on te diagnostique un cancer du sein triple négatif. Pourrais-tu nous raconter comment s’est passé ton diagnostic, du moment où tu t’es rendue compte que quelque chose n’était pas “normal” jusqu’à ce 9 octobre 2020 ?

Émilie : Ça a commencé au mois de janvier 2020, 3 mois après mon accouchement. Je reprenais tout juste le sport et après une séance, j’ai senti une douleur et une boule dans mon sein. Je la fais sentir à ma coach qui ne la sent pas. Le soir-même j’avais rendez-vous avec une sage femme pour ma rééducation du périnée. Je lui fais toucher, elle ne sent rien non plus mais me rassure en me disant que si ça fait mal c’est que ce n’est pas grave. Elle me conseille de la faire sentir à mon autre sage femme, celle qui a suivi ma grossesse.

Les semaines passent et je finis par la revoir quelques semaines plus tard, mon fils m'avait donné un coup à la poitrine et j’ai eu mal pendant des heures. Je lui en ai parlé et elle a senti qu’il y avait quelque chose, mais elle me dit qu’elle pense à une déchirure musculaire. Je lui demande comment faire pour ne plus avoir mal... Elle me conseille d’aller voir une ostéopathe, et me dit que si jamais l'ostéopathe ne fonctionne pas, je devrais passer une échographie mammaire et me fait une ordonnance. Je ne contacte pas tout de suite mon ostéopathe car elle m’avait rassurée.

Pendant l’été, je revois une de mes amies d’enfance ostéopathe pendant l’été qui pense à une côte fêlée. Elle me manipule, le lendemain ça va beaucoup mieux mais le jour d'après c’est un enfer. Elle me conseille de prendre rapidement rendez-vous pour vérifier tout ça. J’avoue que je suis un peu perdue à ce moment-là. Je ne sais pas vers qui me tourner, qui consulter.

Je finis par obtenir un rendez-vous pour une échographie mammaire le 1er octobre, lendemain des 1 an de ma fille, j’y vais en mode détente. Pour moi c’était juste un kyste qui s’était enflammé. Après l’écho, ils m’ont tout de suite fait passer une mammo et une biopsie dans la foulée. Tout s’est alors très vite enchaîné ensuite.  C’est à travers la classification de mes résultats que j’ai appris que j’avais un cancer.

Classée ACR… j’ai tapé ACR sur Google et j’ai compris qu’il s’agissait d’un cancer…

 

Et au moment de cette annonce, que se passe-t-il dans ta tête ? Est-ce qu’il t’a fallu du temps pour accepter ce qui allait devenir ton nouveau quotidien ? On parle souvent de différentes phases d’acceptation...

Émilie : En fait j’avais déjà commencé à paniquer à partir du moment où on m’a fait la biopsie. Le 2 octobre, j’ai compris que j’avais probablement un cancer. J’étais en larmes et je n’ai fait que pleurer pendant quasiment 1 semaine. Du coup j’avais appréhendé cette idée que j’avais un cancer, même si j'espérais qu’ils m’annoncent autre chose. Mais c’est vraiment au début de la chimiothérapie -qui a commencé rapidement- où j’ai réalisé ce qui allait se passer. J’allais me retrouver chauve et à ce moment-là de ma vie c’était simplement impossible. C’était un cauchemar. Je fais un métier d’image. Pour moi, la chimio c’était la pire chose de la vie. Le triple négatif je ne l’avais même pas entendu, je ne voyais que le mot cancer. 

 

L’annonce à son entourage est un moment redouté par les #kfighters. Lorsqu’on a des milliers d’abonnées et une communauté en attente de contenus au quotidien, comment ça se passe ? 

Émilie : Je l’ai su le 9 octobre, en plein octobre rose. J’ai passé des tas d’examens et pendant des semaines, je n'étais pas présente psychologiquement pour mon lectorat. Je n’avais pas trop envie d’expliquer ce qui se passait… et je ne voulais pas le faire au mois d’octobre. J’ai donc choisi de l’annoncer à la date symbolique du 1er novembre, à la clôture d’un mois important. Je voulais que ça soit différencié du mois d’octobre rose et de son marketing opportuniste. Le cancer ne s'arrête pas à la fin de ce mois. C’est aussi pour ça que j’ai très vite souhaité en parler. Le cancer touche une femme sur 8 donc j’avais certainement dans mon lectorat des femmes qui ne connaissaient que trop bien ce sujet. 

 

Ta communauté suit tes aventures depuis 2007, mode, beauté, maternité ou encore empowerment, tu abordes à travers ton blog et les réseaux sociaux, tous les thèmes qui te sont chers. Cela a tout de suite été une évidence pour toi de commencer ce travail de sensibilisation autour du cancer du sein et plus particulièrement la forme dont tu es atteinte, le triple négatif ?

Émilie : Tout de suite. Je me suis tout de suite dit : “J’ai une grosse plateforme qui va permettre de mettre en lumière cette maladie.” Il faut savoir que 15 à 20% des cancers du sein sont des triples négatifs, soit plus ou moins 7000 par an. C’est un cancer qui touche des femmes jeunes, donc certainement des lectrices à moi. Et parce que ça n’est pas un cancer hormono-dépendant, les traitements sont assez limités. Le triple négatif est un cancer très compliqué à traiter. Un cancer où on teste des choses en espérant que cela fonctionne. Il n’y a pas de traitement classique. C’est pour ça que je suis vite arrivée sur l’idée sur podcast, pour raconter ce qu’il se passait et sensibiliser. Stopper les tabous et apporter des témoignages. Les témoignages, personnellement, c’est vraiment ce que je recherchais lorsque j’ai appris pour mon cancer.

 

De notre côté, on tenait aussi à te remercier car chez Keep A Breast, notre premier combat est celui de la prévention et de la sensibilisation, nous avons développé notre propre appli d’aide à l’autopalpation à cet effet. De ton côté tu agis aussi, notamment à travers un podcast que tu produis, Triple Négatif, tu peux nous en parler un peu ? 

Émilie : J’avais tout de suite envie de pouvoir faire un podcast sur le parcours du triple négatif. Pour toutes les personnes qui allaient passer par là et qui ne savaient pas ce qu’elles allaient vivre, mais aussi pour celles qui sont intéressées et souhaitent se renseigner sur ce qu’est un cancer triple négatif. 

J’ai souhaité le faire via un média que je maîtrise : le podcast. C’est un moyen d’expression que j’affectionne et je ne me voyais pas écrire mes articles sur le blog, je voulais vraiment quelque chose de différent. Je voulais toucher le plus grand nombre de personnes. 

Triple Négatif, je voulais que ca soit un podcast, déjà qui raconte une histoire, mais ensuite où je vais interviewer des personnes qui sont en rémission, des personnes qui sont en plein combat et différents professionnels de santé. Je veux mettre en lumière ce cancer, parler des solutions qui peuvent être mises en place, on lit souvent des témoignages négatifs mais on a vraiment besoin d’espoir, alors je montre aussi des exemples positifs. 

 

En plein combat, tu viens de subir une mastectomie unilatérale après avoir suivi une chimio néo-adjuvante -chimio dont le but est de réduire au maximum la tumeur avant l’opération-, ce sont des traitements lourds de conséquences sur ce que la société tend à associer à la féminité. Peux-tu nous raconter comment tu vis tout ça au quotidien ? 

Émilie : La perte des cheveux, ça n'a pas été facile. C'était aussi la première étape. En story je me montre telle que je suis. Je ne me maquille pas tous les jours et je ne mets pas de perruque tous les jours. J’ai perdu mes cils, mes sourcils et j’ai compris qu’au fond, on se ressemble tous. On est tous des têtes d'œufs. 

Je voulais montrer ce que c'était aussi, et qu’avec des artifices comme le maquillage, je pouvais ressembler à qui j'étais avant mais en vérité je ne ressemble pas à celle que j'étais avant puisque je n’ai plus tout ça. Ce sont des artifices que j'enlève le soir en allant me coucher. 

Le sein en moins, c’est un peu la fatalité, j’ai eu 6 mois pour me préparer. Mais se prépare-t-on vraiment à la perte du sein ? Je ne sais pas... Limite, j’aurai préféré qu’on me l'enlève tout de suite mais je pense que ça aurait été très traumatisant d'emblée. Ce sein, j’en ai profité pendant 6 mois, je n'avais pas envie qu’on me l'enlève. Et puis il y a les gens qui te demandent si tu ne peux pas le garder... maladroits. Et tu dois expliquer des tas de fois aux gens qui s’en mêlent. C’est pas toujours facile. 

En étant chauve, sans cils, sans sourcils, un sein en moins, on prend cher niveau féminité, c’est pas facile. Mais quand on vient de traverser une chimiothérapie, on est vachement plus fort donc maintenant le regard des autres je m’en fiche. 

 

Chez Keep A Breast, nous utilisons notamment les arts et le sport comme outils de prévention mais aussi de lutte contre le cancer. Peux-tu nous raconter ce qui t’apporte de la force au quotidien ? As-tu des trucs à partager avec les KFighteuses qui te lisent aujourd’hui ?

Émilie : Faire du sport effectivement c’est bien, je fais du pilate à la maison. Je marche beaucoup aussi, ce n'est pas facile en temps de Covid de vivre son cancer. Ce qui était facile pour moi c'était que pendant tout l’hiver, tout était fermé donc je ne loupais rien en vie sociale. Maintenant qu’il fait beau, c’est hyper difficile. J’aurai bien aimé fêté la fin de ma chimiothérapie avec mes amis. Je n’ai pas pu le faire. 

Ce qui m’apporte de la force, c’est aussi une amie que je me suis faite pendant ma chimio. Nous partagions souvent la même chambre. Elle est aussi atteinte d’un cancer triple négatif et elle habite à 50 mètres de chez moi ! On fait souvent des balades dans la ville, on marche, on discute. 

Mais ce qui m’apporte beaucoup de force aussi, c’est de partager ce combat. C’est d’aider des femmes qui sont concernées, de les aider à reprendre le contrôle sur leur corps. Ce qui m’aide, c’est mon combat pour aider d’autres femmes à ne pas attendre comme j’ai autant attendu avant de recevoir un véritable diagnostic. Prendre les devants et aller chercher si nécessaire, un autre avis ailleurs. Ne pas s’entendre dire qu'un cancer du sein ça ne fait pas mal. Aider les femmes à reprendre le contrôle sur le corps. Les médecins m’ont dit de penser à moi d’abord. Mais moi, ce qui m’aide, c’est d’aider. 

 

Et Émilie aujourd’hui, c’est déjà une nouvelle femme ? 

Émilie : Il y a quelque chose qui m’énerve beaucoup, c’est lorsque je lis des témoignages de personnes qui ont eu un cancer du sein et qui vont dire : “Cela a été une très belle expérience dans ma vie”. Je trouve ça très difficile à entendre pour quelqu’un qui a un triple négatif parce que je sais qu’on le vit très mal, car on a toutes une épée de damoclès au-dessus de notre tête. On ne va pas toutes être en pleine forme après. Pour moi ce n’est pas une belle expérience de vie. Mais oui je suis une nouvelle femme parce que ce cancer m’a marquée, il m’a marquée physiquement. Et je suis plus combative qu’avant. Mais j’aurai préféré ne pas vivre cette expérience pour le découvrir.

 

Merci infiniment pour tes mots si précieux. Tu es une véritable source d’inspiration pour l’équipe et une aide précieuse dans cette action de prévention qui est tout simplement vitale. On te souhaite beaucoup de courage pour le chemin qui est encore devant toi. Est-ce que tu aimerais ajouter quelque chose pour toutes les femmes et les hommes qui découvrent cet article ? 

Émilie : Vraiment ce qui est important c’est de ne pas laisser la moindre douleur, le moindre doute s’installer. Consultez sans plus attendre dès qu’il y a le moindre souci et reprenez le contrôle de votre vie parce qu’il n’y a rien de plus important que la santé !

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Lorene Carpentier