Mel et ses Karnets : itinéraire d'une kfighteuse entrepreneure

Bonjour Mélanie et merci infiniment d’avoir répondu à l’appel de Keep A Breast pour le blog !

Nous sommes enchantées de vous interviewer aujourd’hui, nous suivons vos aventures personnelles et professionnelles depuis un moment déjà, avec admiration.

#Kfighteuse aguérrie, maman de deux jeunes filles splendides, entrepreneure talentueuse et blogueuse prolixe, le moins qu’on puisse dire c’est que vous êtes une femme ACTIVE !

Nous aimerions aborder avec vous aujourd’hui un sujet qui a bouleversé votre vie : le cancer du sein. Pourriez-vous nous raconter un peu comment s’est passé pour vous le diagnostic ? Du moment précis où vous avez compris que quelque chose n’allait pas, jusqu’à l’annonce officielle ? 

Mélanie : Cette phase d’annonce et de découverte a été la phase la plus difficile psychologiquement dans mon parcours.  J’ai eu 2 mois de sidération totale entre la découverte de cette boule et le début des traitements.

Tout d’abord, j’ai découvert cette boule dans mon sein, seule, un samedi matin, après mon jogging.

Je me suis appliquée de l’huile sur le corps et j’ai alors senti une grosse masse sous mon sein gauche. J’ai eu immédiatement cette sensation de grand vertige. J’ai su au fond de moi que ce n’était pas bénin. J’ai appelé mon mari à la rescousse, qui s’est voulu très rassurant.

Cette découverte est intervenue à un moment un peu charnière dans ma vie : j’étais sur le point de créer mon entreprise, c’était l’année de mes 40 ans, de mes 10 ans de mariage. Je ne m’attendais pas à une telle épreuve maintenant, surtout après avoir vécu un burnout et avoir tout entrepris pour se reconstruire une nouvelle vie professionnelle.

Je n’ai pas attendu pour agir. J’ai pris rdv chez un gynéco près de chez moi dès le lundi matin et tout s’est très vite enchaîné sur une semaine :mammographie, échographie, irm et biopsie. J’avais un peu le tournis mais on m’a fait très vite comprendre que ce n’était pas anodin.


Après une attente de 10 jours, j’ai du batailler avec ma gynécologue pour obtenir les résultats de la biopsie, qui étaient nécessaires pour pouvoir consulter à l’institut Curie. Je ne l’ai jamais eu au téléphone ou en consultation, j’ai juste reçu un simple mail : « Chère Mélanie, je reçois ce jour les résultats de ta biopsie qui montre la présence de cellules irrégulières. Une intervention est nécessaire. As-tu choisi un chirurgien ? » J’ai reçu ces mots comme un poignard, rien n’était nommé. Elle finit par m’envoyer les résultats de la biopsie et je découvre le jargon « carcinome infiltrant » . J’apprends seule, avec mon mari,  que j’ai un cancer.

Et dans votre tête, à ce moment précis et les jours qui suivent, que se passe-t-il ? 

Mélanie : Dans ma tête et mon cœur, c’est la tempête : colère, tristesse, déni de mon mari, peur de mourir. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? C’était si injuste.

J’étais dans un entre deux : je n’étais plus salariée, et pas encore entrepreneure… Créer mon entreprise, décorer des maisons, c’était devenu impossible face à ce qui m’attendait.

 Et puis l'annonce de ma maladie à mon entourage a été une épreuve dans l'épreuve.

Je me souviens du sentiment de culpabilité qui m'a envahi : je ne voulais pas faire souffrir mes parents, mon mari, mes enfants. J’ai tout de suite pensé à l’éventualité que mon mari me quitte :  comment pourrait-il trouver la force de rester et de m'épauler ?

Comment  annoncer à mes filles de 9 et 5 ans que j’ai un cancer et leur expliquer que les traitements vont me faire perdre mes cheveux, vont me fatiguer et me rendre malade. Comment leur dire que cette maladie est potentiellement grave, que des femmes en meurent? Parce que la peur de ne pas voir grandir ses enfants est réelle.

Chez Keep A Breast, nous œuvrons pour la prévention et le soutien face au cancer du sein, à travers la pratique des arts et du sport. En tant que créatrice d’intérieurs, est-ce que l’art a été une forme de refuge pour vous ? Le sport a-t-il joué une place, lui aussi ?

Mélanie : J’ai toujours été passionnée par l’architecture et la décoration, par le beau, par l’art. L’art nous permet d’exprimer des émotions inconscientes, que l’on a parfois du mal à verbaliser, d’être plus à notre écoute. J’ai eu la chance de poser pour des photographes et cela m’a beaucoup aidé à renouer avec ma féminité.

Je pratique les collages depuis peu de temps et cela m’aide énormément à extérioriser ce qui est enfoui en moi.

Je m'intéresse beaucoup à l’art thérapie depuis ce début d’année, car la médiation via l’art est très puissante sur le chemin de la guérison physique et émotionnelle.

Je suis adhérente de l’association Skin qui accompagne les femmes sur le chemin de la reconstruction via l’art. Elle propose des projets créatifs en binôme,  des ateliers créatifs et d’autres ressources. N’hésitez pas à aller les découvrir.

Quant au sport, il a été une réelle ressource dans la gestion des effets secondaires de mon traitement. J’ai pu continuer la course à pied pendant la chimiothérapie. J’ai conscience que ce n’est pas donné à tout le monde, mais cela m’aidait énormément à gérer ma fatigue physique,  entraînait mon coeur qui était mis à mal, et surtout cela m’a permis d’avoir un mental d’acier. Je visualisais les cellules cancéreuses se désagréger quand je courais.

J'ai appris à pratiquer des activités plus douces telles que le yoga. Encore aujourd’hui sous hormonothérapie, je pratique le trio magique : cardio, renforcement musculaire et étirements.

Pendant votre combat, vous avez subi une opération et des traitements lourds : une mastectomie totale, des mois de chimio et de radiothérapie, puis une hormonothérapie. Pourriez-vous nous raconter votre expérience en tant que femme face à ce qui touche à ce que la société a tendance à associer à la féminité ? 

Mélanie : Il a fallu faire le deuil de la femme d’avant. J’ai toujours été complexée par mes cheveux frisés, que je lissais. Ils étaient un peu grisonnants très tôt, alors je les teintais. Et j’étais également très complexée par ma petite poitrine, mais c’est ce qui m’a permis de détecter ma boule très vite et d’avoir une reconstruction immédiate. 

La maladie m’a fait perdre mes 2 plus grands complexes alors j’ai appris à lâcher prise totalement et m’assumer.

Aller chez un prothésiste capillaire et me faire conseiller sur la gestion des effets secondaires liés à l’esthétique m’a permis de lever certaines peurs, et je me suis sentie armée et prête à affronter ce qui m’attendait.

Je n’ai pas attendu la perte des cheveux. Je ne voulais pas les voir tomber dans la baignoire ou sur l’oreiller, voir des trous sur mon crâne  Je les ai donc rasés 15 jours après ma première injection de chimiothérapie. J’ai eu ce sentiment bizarre de me sentir fière, forte et courageuse.

A défaut de décorer des maisons, j’ai décoré ma tête, j’ai accessoirisé mes tenues, j’ai porté beaucoup de vêtements colorés. Je m'exprimais de cette manière, j’ai osé et j’ai aimé cela. Et je ne voulais pas de pitié, je voulais être actrice, avoir un temps d’avance sur la maladie.

Se sentir belle et féminine va au-delà des cheveux et des seins, qui sont 2 symboles forts de féminité. Faire sans m’a permis de réinventer ma féminité et d'assumer beaucoup plus la femme que je devenais.

Et aujourd’hui, Mélanie, c’est une nouvelle femme ? Vous pouvez nous expliquer ce qui a changé pour vous ? 

Mélanie : J’ai pris la responsabilité de mon bonheur, j’ai décidé de vivre dans l’instant présent, et de suivre beaucoup plus mon intuition et mon cœur plutôt que mon mental. Je ne suis plus sur pilote automatique.

Apprendre à me connaître, à travailler sur mes émotions, à écouter mes ressentis, à introduire la notion de joie et de plaisir dans tout ce que je fais, à me faire du bien, tempérer mon hyperactivité au profit de mon intériorité, m’a énormément aidé dans l’estime de soi.

On ne guérit pas le corps sans guérir l’âme et l’esprit. Les soins de support et une approche holistique de la maladie sont pour moi des enjeux de demain. Ne soignons pas que les symptômes. Soignons notre équilibre, notre être dans sa globalité.

Aux nombreuses #kfighteuses qui lisent cet article aujourd’hui, est-ce que vous aimeriez leur dire quelque chose en tant que sœur de combat ?

Mélanie : Prendre un jour après l’autre, tout en ayant des projets qui permettent d’avancer.

Être actrice de son parcours de soin dans la mesure de ses capacités physiques : Continuer le sport, se faire accompagner par des associations pour les soins de support, se faire aider par son entourage, prendre soin de soi, physiquement et mentalement. Reconnecter à la notion de joie, de plaisir. 

Vous êtes votre priorité, investissez sur vous et aimez vous.

Et à toutes les autres ? 

Mélanie : Soyez à l’écoute de votre corps, vous le connaissez mieux que quiconque.  Pratiquez l'auto palpation mammaire une fois par mois : ça prend 2 minutes après sa douche, et cela permet de réagir au plus vite. Un cancer, s’il est pris à temps, a d’autant plus de chance d’être bien soigné.

Et un contrôle gynécologique par an ! C’est important d’être suivie régulièrement et cela n’arrive pas qu’aux autres.

Merci infiniment Mélanie, on est totalement en phase avec vous, votre témoignage nous est précieux ! 

On vous souhaite le meilleur pour la suite, une vie en pleine santé, pleine de belles surprises personnelles et encore plus de succès professionnels !

En ce qui concerne l'autopalpation mammaire, pour nos chères lectrices, pensez à télécharger l’appli Keep A Breast, si ce n’est pas déjà fait ! C’est par ici que ça se passe. 

PS : En plus de ses Karnets inspirants , Mélanie est aussi une créatrice d’intérieur pleine de fabuleuses idées, rendez-vous vite sur son compte IG dédié pour en savoir plus !! 

Lorene Carpentier