Témoignage de Malika
A la veille du départ de son Raid Défi d’Elles à Oléron ce mois-ci, nous avons demandé à la pétillante Malika de nous parler de son parcours… de combative.
Vous avez lu son histoire dans les pages de Paris Match ou suivi les épreuves de son raid en Laponie ? Nous avons souhaité la rencontrer pour mieux connaître son parcours, inutile de poser des questions, Malika est auprès de Keep A Breast depuis des années, et elle s’est confiée à nous en toute simplicité:
Peux tu te présenter et nous raconter ton aventure ?
Malika : Je m’appelle Malika Kacel, j’ai 40 ans et je suis infirmière. Je travaille aux urgences de Bx Nord. J’ai trois enfants… une tribu: 10 ans, 8 ans et 4 ans… et demie ! important ! Et j’ai mon mari avec moi à la maison.
Un soir je me suis couchée, et je dormais tranquillement, , je me suis retournée, mise sur le ventre, et j’ai senti une douleur, j’ai eu mal au sein. Je me suis tenu le sein et j’ai senti une boule. Ca m’a fait quelque chose immédiatement: j’ai pas voulu paniquer mais j’étais pas sereine: toute la journée du lendemain je me suis palpée. Je me mettais devant le miroir, je sentais que vraiment il y avait quelque chose de pas normal, je le mettais en relation avec une éventuelle grossesse parce que j’avais arrêté la pilule pour tomber enceinte, j’attendais mes règles et mes règles n’étaient pas arrivées. Avec les hormones on peut avoir des nodules qui sortent, et ça peut être en lien, ou pendant les règles on peut avoir des choses comme ça, alors j’ai pas voulu m’affoler, mais une partie de moi était un peu en alerte puisque ma soeur est décédée d’un cancer du sein à 34 ans…. Donc j’étais pas sereine.
Le lendemain j’ai encore passé la journée à me palper, je n’en ai parlé à personne, puis j’ai fini par appeler une amie à moi qui travaillait aux urgences de Bordeaux Nord en lui disant:
“- écoute il faut que tu me voies”
Sachant que dans la journée quelque chose m’avait interpellée: j’étais avec mes enfants, on regardait la télé ils étaient contre moi, et j’ai eu un écoulement, un écoulement par le téton. Et du coup je me suis dit “-non mais c’est pas normal.”
Donc du coup j’ai appelé mon amie aux urgences, elle m’a dit:
“- moi je suis pas hyper experte, je vais te faire passer une écho.”
J’ai passé ma mammo et écho, je n’en avais toujours parlé à personne parce que je ne voulais affoler ni mon mari ni mes enfants, donc je l’ai gardé pour moi et je suis partie faire les examens.
A la mammo on me dit il va falloir passer à l’écho, et à l’écho je lui dit clairement, s'il y’a quelque chose…. On le sent hein quand on parle … je lui ai dit :
“- clairement, je veux tout savoir, y’a pas de souci.”
Et donc il a été clair avec moi.
“- Vous avez des Enfants ?
“- Oui, et là j’attends mes règles, j’ai arrêté ma pilule parce que je voudrais avoir un troisième enfant.”
“- J’espère que vous êtes pas enceinte”.
“- Ben je sais pas je devais ma prise de sang aujourd’hui”.
“- Quand vous sortez de ce bureau vous allez aujourd’hui au labo pour savoir si vous êtes enceinte ou pas. Effectivement il y a des lésions qui sont douteuses donc il faut faire une biopsie.
“ - Ben pas de souci”
Je suis sortie, j’ai pleuré, toute seule, parce qu’il fallait que je me lâche en fait . J’ai rien dit à mon mari, parce que je voulais vraiment pas l’affoler et l’inquiéter, je savais pas comment le préserver. Donc je crois que j’ai du attendre peut-être la veille de mon prélèvement pour la biopsie , il y avait des examens, c’était intrusif, invasif donc voilà, j’avais pas le choix. Donc je lui ai dit pour le mettre au courant et pour l impliquer aussi , il m’a accompagnée, et là tout a commencé.
Et oui, effectivement j’ai su que j’étais enceinte du coup... le même jour…
Donc c’était compliqué quand même !
Pour faire la biopsie il faut utiliser un produit de contraste, mais il est contre indiqué en cas de grossesse. Donc le radiologue m’a fait une proposition:
“- Ce qu’on va faire comme on peut pas faire de biopsie puisque vous êtes enceinte, c’est qu’on va vous surveiller pendant toute votre grossesse.
“- Ah j'ai dit mais non, c’est pas possible, je peux pas vivre dans le doute pendant toute ma grossesse, en ayant “peut être” un problème à 4 mois de grossesse ou à 5 mois de grossesse, et devoir avorter à ce moment là ! S’ il faut que j’avorte c’est maintenant.”
Si c’est ma vie qui en dépend je préfère avorter, j’ai deux enfants, même si j’avais envie de cette grossesse mais là y’avait pas à réfléchir, si ça me mettait en danger c’était hors de question.
Donc du coup je leur ai proposé, moi, une autre solution, en tant qu’infirmière en leur disant:
“- la biopsie est ce qu’on peut pas la faire sous écho ?”
“- Ah oui effectivement on peut”
Donc j’ai eu ma biopsie sous écho, et puis c’est parti à l’anapath, et puis après ça a enchainé.
A partir de là j’ai rencontré Amélie (Dr Amélie Gesson-Paute), mon bonheur ! (...) Non mais c’est vrai ! Mon bonheur! Premier contact hyper bien
Hyper à l’écoute, hyper avenante, en plus c’est une belle femme, elle est hyper professionnelle pour la patiente honnêtement c’est… enfin j’ai adoré Amélie tout de suite. Après elle m’a expliqué très clairement ce qui allait se passer: qu’on pouvait suivre ma grossesse, mais qu’il fallait quand même enlever un morceau de ma tumeur qui était assez conséquente.
Il a fallu m’opérer à trois mois de grossesse, elle m’en a enlevé un maximum, et puis après elle s’est aperçue que sur les berges il en restait; il restait pas grand chose, mais il suffit de tellement rien ! Elle m’a dit:
“- il en reste un petit peu, ça va pas flamber pendant la grossesse, donc maintenant tu suis poursuis ta grossesse normalement, et on opérera deux mois après l’accouchement.”
On devait me faire une mastectomie partielle et de la radiothérapie. J’ai refusé la radiothérapie. On pense pas à soi en fait: je voulais pas accoucher, avoir un nourrisson à la maison, deux enfants, un parent qui gère tout, et moi aller à la clinique, avec les aller-retour, c’était juste pour moi pas possible. Je voulais pas être de l’autre côté de la barrière aussi… je voulais pas être la malade qui va à l’hôpital...
Donc je lui ai dit:
“- Non, moi c’est pas possible, parce que si là encore ça suffit pas qu’est-ce qu’on fait ? Et ben on recommence… et ben non, moi je préfère qu’on me l’enlève, tout court.”
Je veux pas avoir d’épée de Damoclès, je préférais qu’on me l’enlève.
Moi une ablation ça ne me dérangeait absolument pas contrairement à beaucoup de femmes à priori. Je préférais enlever un sein sain, qu’un sein abîmé, brûlé par la radiothérapie. Et puis j’avais une mauvaise expérience de par ma soeur que j’ai soignée puisque j’étais infirmière, et c’est moi qui m’en suis occupée quand elle a eu son cancer du sein. J’ai vu les dégâts que ça fait chez elle, ça le fait pas chez tout le monde, mais du coup moi j’en ai gardé un mauvais souvenir, donc il en était hors de question.
C’est passé en commission, ils étaient pas très très pour, puisque j’étais jeune: j’avais 35 ans, ils vous expliquent quand même que c’est une atteinte à l'intégrité de votre corps
“-oui, mais si moi je l’assume et que moi je le veux, si moi je refuse la prise en charge c’est moi choix, je suis adulte, je suis en capacité de raisonner, je voudrais qu’on m'écoute.”
Ils m’ont écoutée, et puis voilà, ça a commencé comme ça. Et puis après j’ai enchaîné les opérations.
Le plus dur pour moi , ça n’a pas été mon cancer, ça a été de ne pas pouvoir allaiter. J’ai pas pu allaiter ma fille, alors que j’avais vraiment envie de l’allaiter comme j’avais fait pour les autres. J’ai cherché des conseils partout pour savoir si je pouvais au moins l’allaiter un petit peu ou l'allaiter de n’autre sein: non; j’ai accouché, on m’a donné le comprimé, ok je l’avale, et puis du coup pas de lait.
J’avais peur de pas avoir le lien avec ma fille comme j’avais eu avec mes garçons, je trouve qu’il y a un lien quand tu allaites ton bébé, enfin c’est pas pareil, et ben pas du tout (rires)... pas du tout elle est accrochée à moi encore pire que les autres….et puis il y a une relation…
Enfin il y a quelque chose qui s’est passé entre elle et moi, j’ai accouché d’une battante, ça se voit.
Ensuite j’étais très contente, première opération mastectomie avec la pose d’un expandeur il s’agit de gonfler environ toutes les 3 semaines avec injection de sérum physiologique jusqu’à atteindre le bonnet souhaité.. Ce qui entraîne une meilleure cicatrisation et une bonne élasticité quand la peau le permet et donc pouvoir 6 mois après , dans mon cas,opérer de nouveau et poser la prothèse définitive.Et dans la foulée elle m’a mis ma vraie prothèse. Et puis du coup j’ai demandé une mastectomie de prophylaxie à gauche. En fait pour moi c’était inconcevable d’avoir une prothèse à droite et un sein naturel à gauche qui tombait, et que de toutes façons j’aurai voulu refaire alors… Et puis psychologiquement d’avoir deux prothèses c’est plus facile à accepter que d’avoir une prothèse et un sein normal. Et aujourd’hui je ne regrette pas ce choix. J’ai pas d’épée de Damoclès au dessus de la tête, et même j’ai vraiment l’impression que j’ai pas été malade en fait.
Pendant la grossesse tu mets tes sentiments de côté, pour protéger ta fille, parce que in utero les bébés ressentent tout, donc tu essaies de le mettre de côté et puis inconsciemment tu y arrives, en tout cas j’ai réussi; et puis quand t’accouches ben, tu dois t’occuper de ton bébé, de tes enfants, et ça te prends vachement de temps, c’est pas plus mal parce que tu réfléchis pas à ce qui t’arrive et tu le prends légèrement, comme ça arrive, tu relativises. Moi je suis infirmière donc je vois des gens qui sont pires que moi.Je vois des gens qui ont eu des cancers bien pires que le mien, je vois ma soeur qui est décédée… Je voulais me battre. Je tiens trop à ma vie.
La vie c’est trop beau ! C’est trop beau! C’est trop beau !!!
©Paris Match Malika Kacel et Dr Amélie Gesson-Paute