La blogueuse Coraline Ball raconte sa double mastectomie préventive
Bonjour Coraline et merci de nous accorder ton précieux temps aujourd’hui. Comme tu l’as découvert dans notre dernier article, nous nous intéressons au gène BRCA. Gène auquel tu es malheureusement familière puisque tu es toi-même porteuse du gène BRCA1.
Peux-tu nous raconter comment s’est passé le diagnostic à propos de ta prédisposition ?
Coraline : Bonjour à tous et merci pour votre invitation, je suis ravie d’avoir été invitée à témoigner aujourd’hui. Alors, en fait, tout a commencé avec ma maman qui a eu un cancer du sein il y a 10 ans. À la suite de son cancer, le corps médical s’est intéressé à des causes génétiques et a découvert qu’il y avait des antécédents familiaux côté paternel comme maternel. Mère de 4 filles, ma maman a décidé de faire le test de dépistage du gène BRCA. Il est revenu positif. Mes sœurs et moi avions donc 50% de risques d’être porteuses aussi. Pour l’instant, on est 2 positives sur 4. 1 a été testée négative et la dernière attend ses résultats. Autant dire que ça a été compliqué à gérer…
Qu’est-ce qu’une telle prédisposition impliquait pour toi au quotidien ?
Coraline : Ça peut paraître bizarre mais j’avais un pressentiment.
Très proche de ma maman, je sentais que j’allais être porteuse du gène pour pouvoir la soutenir au quotidien, être dans le même bateau…
Les médecins m’ont tout de suite proposé différentes solutions. Soit je devais faire des examens tous les ans, impliquant IRM, mammographie, gynéco à l’institut Curie qui est un hôpital spécialisé où tous les gens qu’on croise sont malades, ce que je trouve très dur lorsqu’on y retourne chaque année. Ou bien une double mastectomie avec reconstruction. J’ai aussi appris au passage qu’il serait sage de faire une ovariectomie à partir de mes 40 ans. Cela a été très difficile pour moi et je ne l’ai toujours pas accepté. Je me dis que j’aurai peut-être la chance d’avoir eu des enfants d’ici là mais si ce n’est pas le cas bien sûr ça me fait peur.
Lorsqu’on est porteuse du gène, la vraie difficulté c’est la charge psychologique constante que cela implique, on y pense tout le temps. Dès qu’on a terminé les examens d’une année, on n’a pas encore reçu les résultats qu’on prend déjà rendez-vous pour l’année suivante pour savoir si oui ou non, on a un cancer. C’est comme une menace qui plane en permanence.
Quelle décision radicale as-tu prise afin d’en finir par rapport à ta forte probabilité de développer un cancer du sein ?
Coraline : J’ai pris la décision de me faire opérer de la poitrine, de me faire enlever les glandes mammaires au niveau des deux seins et j’ai opté pour une reconstruction immédiate. Il n’était pas envisageable pour moi de ne pas avoir de seins du tout pendant quelques mois. J’ai décidé de mettre un terme à tout ça et aujourd’hui, au lieu d’avoir 85% de risque de développer un cancer du sein, je descends à entre 1 et 5% selon les médecins, ce qui est encore plus faible que le risque pour la population normale. Je peux enfin vivre un peu plus sereinement.
Comment ça s’est passé ?
Coraline : J’y suis allée seule, COVID oblige, et plutôt zen à vrai dire. C’était un soulagement d’être arrivée enfin à ce jour après 1 mois et demi d’attente depuis la prise de rendez-vous. Installée dans ma chambre, j’avais hâte que tout soit déjà derrière moi. J’avais quelques doutes et angoisses qui m’envahissaient bien sûr, mais je savais qu’en principe après une anesthésie, une opération et quelques antalgiques, ça serait du passé. Sauf que pour être honnête, en salle de réveil, non seulement j’avais la troublante sensation d’être en plein dans un cauchemar, mais en plus je souffrais le martyr. Les médecins ne savaient plus quoi me donner pour me soulager et je me serais bien passée de cette étape douloureuse. Après je ne regrette pas du tout, évidemment ça aurait pu mieux se passer mais avec du recul, c’était la bonne décision à prendre.
Quelques semaines plus tard, comment le vis-tu aujourd'hui ?
Coraline : Les premières semaines, je voyais des hématomes jaunes et bleus qui me semblaient normaux, toujours une douleur dans le sein gauche mais qui s’estompe au fur et à mesure. Trop lentement à mon goût mais elle diminue quand même. J’étais satisfaite, mes seins étaient plus gros car j’avais demandé à avoir un bonnet de plus. Mais je me suis rendue compte qu’ils étaient surtout gonflés à cause de l’opération et maintenant ils retrouvent un peu leur taille normale. Je me revois maintenant comme avant, or pour moi ce corps d’avant l’opération est celui qui portait deux mini bombes à retardement. Je ne suis pas à l’aise avec ce corps qui ressemble tant à mon corps “malade”. Mais je sais aussi qu’avec le temps je devrais m’y habituer et les apprivoiser, c’est un processus qui prend du temps et je vais tout faire pour !
Quel conseil donnerais-tu à toutes celles qui doivent faire face à cette prédisposition ?
Coraline : Je leur dirais de foncer ! De faire l'opération et de s’enlever cette charge mentale de l’esprit, de la tête et du quotidien. Cette prédisposition, c’est un truc auquel on pense tous les jours. Faites l’opération et choisissez avec soin votre institut spécialisé. Moi j’ai été suivie à l’Institut Curie qui est génial. Des femmes qui ont subi la même opération et qui sont devenues des amies par la suite m’ont aussi recommandé Gustave Roussy et la clinique Hartmann. Mais c’est une opération lourde, il faut donc être prête.
Se faire opérer, c’est minimiser les chances d’être malade un jour et vivre en paix.
Et à toutes les autres ?
Coraline : S’il vous plaît, allez chez le gynécologue tous les ans ! Moi, si j’étais Ministre de la Santé, je rendrais la mammographie obligatoire tous les 6 mois !
Aujourd’hui les mammographies obligatoires c’est à partir de 50 ans ! On sort tout juste d’octobre rose, combien de femmes avec la trentaine ou même la vingtaine ont été diagnostiquées avec un cancer du sein ?! C’est une réalité et c’est pour cela qu’il faut à tout prix prendre le réflexe de s'autopalper chaque mois, quoiqu’il arrive.
Merci infiniment pour tes réponses Coraline ! On te suit à 100% là dessus ! Comme tu le sais peut-être, on a sorti une appli de dépistage gratuite qui s’appelle Keep a Breast et qui est dispo sur iOS et Android, alors à toutes celles qui ne l’ont pas encore téléchargé… foncez ! Et surtout, allez jeter un œil du côté du compte IG de Coraline, elle nous régale avec ses superbes photos au quotidien...
On te remercie encore Coco (comme tu le dis si bien) et on te souhaite un bon rétablissement et une super belle paire de seins ;)