Christine, fondatrice de Soleil Rose : transformer l’épreuve en force

À 46 ans, un geste d’autopalpation change tout. Ce moment décisif ne brise pas Christine — mère solaire, inspirante et pleine de vie — au contraire. À l’annonce d’un cancer du sein triple négatif, elle ne se laisse pas submerger par ce terrible tsunami. Elle fait de la joie un choix et de la résilience une force et décide de transformer cette épreuve en engagement en créant Soleil Rose, une association dédiée à celles qui, comme elle, traversent l’orage et cherchent un peu de lumière. Une lumière qu’elle porte jusqu’à la ligne d’arrivée du marathon de Paris aux couleurs de son association et du centre hospitalier Gustave Roussy qui l’a accompagné tout au long de son parcours.

 

Christine Custoias

 

Tout a commencé par un geste d’autopalpation. Peux-tu nous raconter ce moment et ce qu’il a changé en toi ?

En janvier 2021, lors d’un geste d’autopalpation, j’ai senti une petite boule au niveau de mon sein. Elle me faisait légèrement mal. J’ai consulté mon médecin généraliste, qui m’a rassurée en me disant que ce n’était qu’une petite boule de graisse. Les mois ont passé… mais quelque chose clochait. Je me sentais anormalement fatiguée. Moi qui courais régulièrement 10 à 12 kilomètres le samedi et autant le dimanche, je n’arrivais plus à tenir plus de 8 kilomètres sans être complètement épuisée. Ce n’était pas normal.

Le 14 septembre, je me rends à un rendez-vous de suivi chez mon gynécologue. J’avais déjà connu un épisode difficile en octobre 2013, avec un cancer du col de l’utérus stade 1. À l’époque, j’avais mis cette épreuve de côté, presque dans le déni, en prenant mes congés payés pour me faire opérer et en suivant les recommandations médicales. Tout était ensuite rentré dans l’ordre. Mais cette fois, c’était différent. Suite à ce rendez-vous, tout s’est enchaîné très vite : échographie, mammographie, puis biopsie. Le 27 septembre, les résultats tombent : cancer du sein triple négatif, stade 3. Un tsunami. Un marathon inattendu commençait. J’étais complètement prise de court. Et, comme beaucoup, ma première pensée a été : “Est-ce que je vais mourir ?” Ce moment a bouleversé ma vie. Il a changé mon rapport à mon corps, à la santé, à la vie.

Ce geste simple d’autopalpation a finalement été un acte de survie.

Tu es très engagée dans le sport, qu’est-ce que cela représente dans ton parcours personnel et dans la guérison ?

Le sport a toujours été une part essentielle de ma vie. Courir, se dépasser, transpirer, repousser mes limites… c’était mon équilibre, mon exutoire, ma manière de me vider la tête après une semaine de pression au niveau des chiffres et du coup de me sentir vide au niveau de la tête en retrouvant de l’énergie.

Quand la maladie est arrivée, le sport a changé de rôle. Il n’était plus seulement un loisir ou un défi personnel : il est devenu une arme dans mon combat. Même affaiblie par les traitements, même vidée physiquement, j’ai essayé de continuer à bouger, à marcher, à courir un peu quand je le pouvais. Ce n’était pas toujours possible, mais l’intention était là. C’était ma façon de dire à mon corps : “Tu es encore capable. Tu es en vie.”

Le sport m’a aussi aidée mentalement. Il m’a donné de la discipline, du courage, de la résilience. Ce que j’avais appris à travers les entraînements, la rigueur, la patience, le dépassement de soi, m’a servi face à la maladie. On apprend dans le sport que chaque étape compte, qu’on avance un kilomètre à la fois. Et c’est exactement comme ça que je me suis battue. Aujourd’hui, le sport continue de faire partie de ma reconstruction. Il m’aide à me réapproprier mon corps, à retrouver confiance, à célébrer chaque petit progrès. C’est mon moteur, mon ancrage et mon symbole de renaissance.

Tu as créé Soleil Rose, une association qui porte bien son nom. Comment est née cette idée et qu’est-ce qu’elle représente pour toi aujourd’hui ?

Soleil Rose, c’est une association que j’ai créée avec mon cœur, mes tripes, en plein cœur de la tempête. J’étais encore sous chimiothérapie, épuisée, remplie de peurs. Peur de mourir. Peur de laisser mes trois filles dans le chagrin sans repère. C’est dans ce moment de grande fragilité qu’est née une envie plus forte que tout : celle de laisser une trace, un héritage humain, quelque chose de vivant, de porteur de sens. Pas seulement matériel. Je voulais que mes filles puissent grandir avec l’image d’une femme qui se bat, qui transforme l’épreuve en espoir, en force.

Aujourd’hui, Soleil Rose, c’est ma deuxième vie. C’est ma renaissance. C’est à la fois un moteur et une mission : elle me permet d’aider d’autres femmes, d’avancer ensemble et de croire à un monde sans cancer. L’association est profondément liée au sport, parce que je suis convaincue de sa force, de son rôle dans la guérison physique, mentale, émotionnelle. Mais elle agit aussi au-delà : nous soutenons les soins de support, essentiels face à la violence des traitements, comme la sophrologie, l’esthétique, la sensibilisation au dépistage, l’écoute…Soleil Rose, c’est une main tendue, un souffle de vie, un soleil pour traverser la maladie.

Le marathon de Paris est un défi immense. Qu’as-tu ressenti en franchissant la ligne d’arrivée ?

Je ne pensais pas être là pour fêter mes 50 ans. Et pourtant, ce 13 avril 2025, j’ai couru le marathon de Paris, ma ville natale, celle où je suis née le 24 juin 1975, dans le 19ᵉ arrondissement. Depuis toute petite, je rêvais de courir un marathon. Et quoi de plus symbolique que de réaliser ce rêve à Paris, cette capitale que j’aime tant pour célébrer la vie.

Ce marathon, c’était bien plus qu’une course. C’était un cadeau à moi-même, une victoire sur la maladie, un hommage à la résilience. J’ai voulu lui donner un sens profond : j’ai couru avec un dossard solidaire pour Gustave Roussy et j’ai réussi à récolter 5 855 € pour la recherche contre le cancer.

Pendant les 42,195 km, j’ai traversé des vagues d’émotion. J’ai pleuré. Beaucoup. Les souvenirs douloureux sont remontés, la peur, la fatigue, les traitements… J’ai pensé à ceux qui sont partis trop tôt, à ceux qui se battent encore. Et j’ai aussi beaucoup souri. Fière d’être là. Fière d’avancer dans ma ville, portée par l’énergie du public parisien. Fière d’avoir tenu jusqu’au bout. Les 7 derniers kilomètres, je les ai courus avec le cœur, avec la tête, portée par une force intérieure immense. Je pensais à toute la préparation que ce marathon avait demandé, à la rigueur, à la volonté qu’il a fallu rassembler jour après jour, mois après moi. Franchir cette ligne d’arrivée, c’était plus qu’un accomplissement sportif. C’était un acte de renaissance, d’amour vis à vis de la recherche. Je suis fière de moi, profondément reconnaissante envers celles et ceux qui ont cru en moi, soutenue dans l’effort et dans la vie.

 

Christine Custoias au Marathon de Paris 2024

 

Des moments de doute peuvent surgir à tout moment. Comment est-ce que tu continues à voir le soleil lorsque des nuages apparaissent ?

Je vis beaucoup dans le présent. C’est presque devenu un réflexe, une philosophie de vie. Je savoure chaque instant, chaque petit bonheur du quotidien. Je me réjouis de tout : un bon repas, un fou rire, un coucher de soleil… Je m’émerveille facilement, sincèrement. Et je ris. Beaucoup. Parce que j’aime rire, parce que ça me fait du bien, parce que c’est ma façon de dire à la vie : “Je suis encore là.”

Bien sûr, il y a des peurs. Le cancer triple négatif, je le connais. Je sais qu’il est imprévisible, qu’il récidive souvent, qu’il fait peur. J’ai rechuté déjà une fois, alors oui, il m’arrive d’avoir peur de mourir, très peur. Mais je choisis d’y croire. De croire que je vais vivre encore un peu. Et que ce “peu” peut être rempli de beaucoup : d’amour, de liens, de sourires, de projets. Chaque jour de plus est une victoire. Et tant que je peux avancer, aimer, partager… alors je continue à chercher et à voir le soleil derrière les nuages.

Comment t’entoures-tu de pensées positives au quotidien ?

J’ai appris à choisir ce que je laisse entrer dans ma vie et ce que je laisse de côté. Les pensées positives, ça se cultive chaque jour, comme un jardin. Ce n’est pas toujours facile, surtout quand on vit avec la peur ou la fatigue, mais c’est possible.

Je m’entoure de personnes bienveillantes. Je fuis ce qui me tire vers le bas : les plaintes permanentes, les mauvaises ondes, le stress inutile. J’ai besoin de légèreté, de douceur, de simplicité. Je m’appuie aussi sur des choses très concrètes : le sport, les voyages, la musique, un bon repas, un moment avec mes filles, mon chéri ou des amis (les vrais). Je m’accorde le droit de ralentir, de me faire plaisir, de dire non. Et surtout, je me parle avec bienveillance. Je ne cherche plus à être parfaite, juste à être en paix. Et puis, je garde en tête que chaque jour est une chance. Quand on a frôlé la mort, on voit la vie autrement.

Alors je remercie, je célèbre, je vis. Même au milieu des tempêtes, je choisis d’allumer des petites lumières. Parce que la joie, même fragile, est une force immense.

Quelle place occupent les rencontres que tu fais via Soleil Rose dans ton chemin de vie ?

Chaque rencontre faite grâce à Soleil Rose est une belle histoire. Rien n’arrive par hasard. Ces liens humains nés autour de la maladie, du sport, du partage, sont devenus une richesse immense dans mon chemin de vie. Chaque personne croisée m’apporte quelque chose : une parole, une écoute, un sourire, un élan. Certaines m’inspirent profondément, d’autres m’aident à me relever quand je vacille. Il y a une vérité, une profondeur dans ces échanges qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Et puis il y a celles et ceux qui donnent sans rien attendre : des bénévoles, des donateurs, des partenaires, des sportifs solidaires… Cette générosité me touche en plein cœur. Elle donne à Soleil Rose une énergie incroyable, elle fait grandir l’association et m’aide à croire encore plus fort à notre mission : accompagner, soutenir, rassembler, faire rayonner la vie malgré la maladie. Ces rencontres sont des piliers. Elles me rappellent que je ne suis pas seule, que nous sommes une chaîne humaine. Elles donnent un sens profond à tout ce que je vis. Sur mon chemin de vie, elles sont des lumières qui me guident et me portent.

Après tout ce chemin parcouru, quels sont tes projets à venir, personnels ou avec Soleil Rose ?

Très sincèrement, je me sens aujourd’hui à un tournant. Une reconversion autour du sport me trotte dans la tête. Le sport a été un pilier dans ma vie, dans ma guérison, et j’ai envie de lui donner encore plus de place. Peut-être qu’une belle rencontre viendra concrétiser ce projet. Je suis à l’écoute de ce que la vie me proposera. Je veux continuer à relever des défis sportifs, seule ou en groupe, et à leur donner un sens solidaire. Courir pour récolter des fonds, pour la recherche, pour les soins de support… Chaque pas peut servir à quelque chose.

Avec Soleil Rose, je veux continuer à soutenir les femmes touchées par la maladie, à promouvoir le sport, mais aussi les soins de support qui font toute la différence dans le parcours de soins : bien-être, écoute, estime de soi. Et puis, dans un coin de mon cœur, il y a un rêve : organiser un défilé de mode autour de la féminité et de la reconstruction. J’ai travaillé chez Etam, j’ai toujours aimé la mode. Elle fait partie de mon identité, de ma manière de me sentir femme, même après les cicatrices. J’aimerais créer un moment fort, où la beauté se mêle au courage, où chaque femme brille à sa façon.

Je reste ouverte. Je crois aux rencontres, aux synchronicités. La vie est faite d’opportunités et aujourd’hui je me sens prête à les accueillir.

Tu dégages une énergie rayonnante. Quelle est ta source, ton moteur dans les moments difficiles comme dans les moments lumineux ?

Ma source, c’est simple : j’aime la vie profondément. Malgré les tempêtes, malgré les douleurs, je choisis de la célébrer. Je trouve de la beauté dans les choses les plus simples : un regard, un rire, un lever de soleil, une main tendue, un câlin. Et puis j’aime les gens, vraiment. J’aime rencontrer, écouter, partager. Le lien humain me nourrit. Il me donne de l’élan, de la force. Même dans les moments sombres, il y a toujours une main, une parole, une présence qui me rappelle que je ne suis pas seule. Et ça, cela me fait tenir debout.

Mon moteur, c’est aussi l’amour de mes filles, de mes proches et cette conviction profonde que je suis encore là pour une raison. Que tant que je peux aimer, donner, transmettre… alors je dois continuer. Je ne suis pas tout le temps forte, je pleure beaucoup mais je suis vivante. Et cette énergie que vous ressentez, c’est peut-être ça : un mélange d’amour, de résilience et de gratitude pour chaque jour supplémentaire.

 
 

Si tu pouvais transmettre un seul message à toutes celles et ceux qui te lisent ici, quel serait-il ?

Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Même dans l’épreuve, même dans la peur, il ne faut jamais abandonner. Écoutez-vous. Vous êtes la première à connaître votre corps. Quand il y a un doute… c’est qu’il n’y a pas de doute : consultez. Ne laissez jamais quelqu’un minimiser ce que vous ressentez.

Le dépistage, c’est vital. L’autopalpation tous les mois devrait être un réflexe. Ça peut littéralement sauver des vies.

Et surtout : profitez de la vie. Chaque jour compte. Ne remettez pas à demain les choses qui vous rendent heureuse. Parce que, oui, tout peut basculer du jour au lendemain.

Mais quand on choisit de vivre, de se battre, de s’entourer, alors même au cœur du chaos… le soleil finit toujours par revenir.

Christine, un immense merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !


XOXO Keep A Breast

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Victoire PERON LUHRS