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Mikel, un "Papa Kool" face à sa double mastectomie.

Bonjour Mikel et merci beaucoup de prendre le temps de répondre à nos questions aujourd’hui. On est ravie de recueillir votre témoignage aujourd’hui, puisque vous faites partie des 1% d’hommes à avoir développé un cancer du sein.

Comment avez-vous découvert que vous étiez atteint d’un cancer du sein ?

Depuis assez jeune, je savais que j’avais un problème au niveau de mes seins. Ça je l’ai toujours su. En faisant des recherches, j’ai compris que j’avais ce qu’on appelle une gynécomastie, c’est un excédent graisseux au niveau des seins. C’est assez courant chez les hommes, mais étant souvent tabou, c’est quelque chose que les hommes cachent. D’après ce que je sais, 1 fois sur 4, cela entraîne un cancer du sein chez les hommes. 

Je suis donc allé voir mon généraliste à propos de ma gynécomastie. Il m’a tout de suite dirigé vers un institut anti-cancer. C’est un chirurgien qui opère normalement des femmes, que j’ai rencontré. Pour l’anecdote, c’était avec une “Madame Seblin” qu’il avait rendez-vous selon sa secrétaire ;)

C’est une opération assez simple, on enlève la graisse et tout s’est d’ailleurs bien passé. Mais un mois plus tard, après avoir poussé les analyses, le chirurgien me convoque à nouveau pour m'annoncer que j’ai un “pré-cancer” sur les deux seins.

Que s’est-il passé à l’annonce du diagnostic ?

Le médecin m’a plutôt rassuré donc je ne me suis pas inquiété plus que ça. Il m’a dit qu’il allait tout retirer, que plus rien ne resterait de mes seins, plus de tétons, plus rien. On m’a proposé une reconstruction que j’ai acceptée. Mais après ma double mastectomie, les sutures ont très mal cicatrisé et la reconstruction était impossible en l’état. 

On me renvoie donc vers mon chirurgien qui me dit qu’effectivement il y a un problème. Je suis réopéré, c’est déjà la 3ème fois que je passe sur le billard. Les mois passent, on me fait des piqures pour blanchir la nouvelle cicatrice, mais rien n’y fait. Je suis métisse et cela arrive apparemment régulièrement chez les sujets à la peau plus foncée : je développe des chéloïdes. Je retourne sur la table d’opération une 4ème fois et à nouveau, rien n’y fait. Cela fait maintenant plusieurs années que j’accepte  tout pour cette reconstruction mais à ce stade je craque et je dis stop. Je suis fatigué de ces opérations qui n’arrangent rien et je décide de vivre avec mes cicatrices et d’essayer tant bien que mal, de les accepter. L’hiver, ça va. L’été en revanche, le stress monte. Je sais que je vais devoir m’exposer et c’est difficile.

Le cancer du sein chez les hommes ne concerne qu’1% des cancers du sein. En tant qu’homme, qu’est-ce que vous avez ressenti à l’annonce d’un cancer du sein ?

Personnellement, avoir un cancer du sein, un cancer qu’on pense plutôt féminin, ça ne m’a pas dérangé plus que ça. Je pense que dans ma tête et probablement de part cette relation particulière que j’ai toujours eu avec mes seins, j’avais des seins. Donc m’enlever des seins paraissait assez normal en fait. Notamment au niveau de ma gynécomastie. C’était ce que je voulais. J’allais devenir plus homme finalement.

Au cours de vos traitements, vous avez subi une opération chirurgicale importante, une double mastectomie. Est-ce que cela a affecté votre masculinité ou votre rapport à la masculinité ?

Après la double mastectomie, ce qui a été vraiment difficile, c’est le fait d’avoir de grosses cicatrices comme celles que j’ai. C’est vraiment ce qui m’a affecté. La tension qui monte à l’arrivée de l’été, on attend de moi que je sois torse-nu sur la plage et c’est ça qui est difficile. Par exemple, lorsque je vais à la piscine, j’ai une autorisation de mon docteur pour porter un lycra. 

Comme vous le savez peut-être, chez Keep a Breast nous œuvrons pour la prévention et le soutien face à la maladie, à travers le sport et les arts, quel a été votre truc à vous pendant votre traitement ? 

Le sport m’a beaucoup aidé. La course à pied par exemple, depuis 2011, c’est-à-dire l’année de ma première opération. Mais aussi le Krav-Maga, la danse… je fais de plus en plus de choses. C’est comme si on m’avait donné une nouvelle chance ! 

Le fait de prendre la parole de plus en plus auprès de mes proches, à travers différentes associations et sur instagram m’aide beaucoup aussi au quotidien, surtout pour l’acceptation de mes cicatrices.

Et Mikel aujourd’hui, c’est un nouvel homme ?

Définitivement. Je ne perds plus mon temps avec des choses futiles. Je fais des tas de choses, je fonce. Je suis même élu à la mairie de Montpellier depuis cette année. Demain vous me dites on va escalader l’Everest, j’y vais ! Je vis à fond, à fond, à fond. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Je vis chaque jour comme si demain tout pouvait s’arrêter.

À tous les hommes et les femmes qui se battent avec la maladie  aujourd’hui, est-ce que vous aimeriez dire quelque chose ? 

J’aimerais leur dire qu’il ne faut pas que ça soit tabou. Personne ne l’a voulu et on fait tous de notre mieux. N’ayez pas peur, acceptez les mains qu’on vous tend, l’aide qui est disponible. Tout seul on ne peut pas affronter ça, il faut se faire aider, il faut en parler, c’est vraiment salvateur.


Et à tous les autres ? 

À n’importe quel doute, allez consulter ! Apprenez les gestes de dépistage, apprenez votre normalité. Pour les hommes, si quelque chose ne va pas, consultez, même si vous vous dites que ça n’est pas ça, il vaut toujours mieux en avoir le cœur net. Le cancer du sein peut arriver à n’importe qui : sa tante, sa mère, sa soeur, mais aussi son père ! 


Merci infiniment pour votre témoignage Mikel, votre courage est une source d’inspiration pour tous et toutes !! On vous invite tous et toutes à télécharger l’appli Keep a Breast et à vite aller faire un tour du côté de l’instagram de Mikel aka Papa Kool