Fred Bangué, une athlète à la hauteur de toutes les épreuves !
Bonjour Frédérique et merci infiniment d’avoir accepté de relever le défi de l’interview Keep A Breast aujourd’hui !
Athlète française aux multiples médailles, présentatrice TV et radio, entrepreneure, conseillère municipale et maman comblée… on peut dire que tu as une vie bien remplie. Malheureusement, ce qui nous amène aujourd’hui est un autre type d’épreuve puisqu’elle ne relève pas de ta discipline olympique. Il s’agit d’un cancer du sein. Peux-tu nous expliquer comment s’est passé le diagnostic pour toi ? Du moment où tu t’es rendue compte que quelque chose n’allait pas jusqu’au moment où un membre du corps médical m'annonçait que c’était un cancer ?
Frédérique : Effectivement, j’ai une vie très chargée et pour être complètement honnête je pense que cette vie très chargée est liée à mon cancer. Je pense que le cancer, c’est comme beaucoup d’autres choses dans le corps comme dans la vie : c’est un signe. Et en ce qui me concerne, je pense que ce cancer est venu m’annoncer qu’il fallait que je ralentisse.
Je suis donc un jour au téléphone avec une amie et je sens une boule dans mon sein. Elle, de nature plus inquiète que moi, me dit qu’il faut vite que j’aille consulter. J'acquiesce mais au fond j’ai un peu peur de découvrir de quoi il s’agit. Je mets 3 jours à me décider puis je prends rendez-vous chez mon médecin traitant que je vois 3 jours plus tard. Celle-ci me demande depuis combien de temps j’ai cette boule et la prend tout de suite au sérieux. Très réactive, un mercredi elle me trouve un rdv pour le lundi qui suit, même si selon elle, c’est dans trop longtemps. Cela m’inquiète un peu mais elle me rassure en me disant qu’elle préfère être fixée avant le weekend. Elle me trouve donc un rendez-vous dans un autre laboratoire qui me reçoit le vendredi. Après la mammo, on me dit que c’est un fibroadénome et que globalement tout va bien parce qu’on peut très bien vivre avec. Suite à cela, elle me dit tout de même de revenir si jamais cela grossit et dans 4 mois sinon pour contrôler. Les jours passent et je me rends compte que la boule grossit.
Je dois insister pour y retourner et on me fait alors une échographie. De 1,8 cm lors de la mammo, la boule fait désormais 2,5 cm. Je suis d’abord ravie d’avoir raison puis je doute.. : “Peut-être que ça ne sent pas très bon cette histoire ?”
Et puis le début de la morosité se fait sentir lorsqu’elle me dit : “On va faire une biopsie. Soit c’est une tumeur bénigne, soit c’est un petit cancer.” Tout de suite, je sens un changement d'atmosphère, je ne sais pas pourquoi mais j’ai un feeling, je sens que je me dirige vers un cancer.
Je vais faire la biopsie la semaine suivante et on me dit qu’on connaîtra le résultat dans une semaine. On me dit qu’on me recevra alors pour discuter des choses à faire. Je me dis donc que si ça n’était rien, on ne me dirait pas ça.
Une semaine plus tard, dans le cabinet du médecin, on passe de petit cancer à cancer.
Et à l’annonce du diagnostic puis les jours qui suivent, que se passe-t-il à l’intérieur de toi ? Es-tu passée par plusieurs étapes d’acceptation comme on en entend souvent parler ?
Frédérique : Je reste scotchée. J’ai vraiment eu une phase de sidération. Lorsque je sors de l’annonce, après les différents rendez-vous pris par les médecins et secrétaires, je prends ma voiture et je commence à tourner, ne sachant pas trop où aller, ni vers qui me tourner.
J’ai une amie qui a eu un cancer à qui j’avais posé quelques questions depuis ces dernières semaines, mais je ne veux pas l’appeler en premier. J’appelle une autre amie qui n’habite pas loin de l'hôpital où on m’a reçue mais elle ne répond pas.
Alors je vais m’acheter des fleurs, j’ai un ami qui travaille à côté de mon fleuriste et qui me répond. Je lui annonce que j’ai un cancer et, le hasard fait bien les choses car c'était aussi à lui que j’avais annoncé que j’allais faire une biopsie.
Entre le moment de la biopsie et son résultat, avec cet ami nous sommes partis randonner. Après l’annonce du cancer, nous avons décidé de partir faire un bout du chemin de Saint Jacques de Compostelle. Cela m’a fait beaucoup de bien.
J’accepte ce cancer sans me demander “Pourquoi moi ?” car j’ai l’impression d’avoir beaucoup trop tiré sur la corde ces derniers temps et que ce cancer n’est finalement qu’une sonnette d’alarme de mon corps à moi-même.
Il y a aussi une chose que je peux dire à propos de ce qui m’arrive, c'est que dès l’annonce de ce cancer, j’ai eu le sentiment qu’il allait m’apporter quelque chose de positif. Et pour l’instant cela m’a énormément aidé , je termine aujourd’hui tout juste ma chimiothérapie.
Dans le cadre de tes traitements, tu as subi une chimiothérapie, que tu viens tout juste de terminer d’ailleurs (Félicitations !!), les conséquences d’un tel traitement touchent à ce que la société a tendance à associer à la féminité. Est-ce que tu peux nous expliquer ton ressenti en tant que femme ?
Frédérique : Me raser la tête a été une vraie épreuve. Grande et costaude comme je suis, on m’appelle monsieur presque tous les jours alors ce que je fais c’est que j’essaie de soigner ma féminité… Grosses boucles d’oreille, vêtements colorés et maquillage pour créer des sourcils que je n’ai plus. Et d’après ce qu’on me dit, on me trouve plutôt plus séduisante ainsi. J’ai même fait des rencontres et je me fais régulièrement draguer !
J’ai de la chance car j’ai un ami photographe qui a pris de beaux clichés qui m’ont vraiment fait du bien, ils m’ont aidée à accepter ma nouvelle image. Il y a même une femme qui m’a arrêtée dans la rue pour me demander si j’étais mannequin et ça tombait très bien car c’était pile le jour où j’avais vu mes mini cheveux tomber dans l’évier. C’est pas facile la chute de cheveux, cela te rappelle que tu es malade, même si tu ne le sens pas tous les jours… et puis comme ça sortie de nulle part, un jour morose, une femme te dit ça à l’improviste, et bien ça fait du bien !
Comme tu le sais, chez Keep A Breast, nous œuvrons pour la sensibilisation et le soutien face au cancer du sein à travers la pratique des arts, du sport et de l’éducation, en tant qu’athlète reconvertie, est-ce que le sport et la mentalité qui l’entoure t’aident au quotidien ? Y a-t-il d’autres pratiques qui t’aident dans ton combat ?
Une photo de Jean-Marc Favre
Frédérique : J’ai la chance de connaître une excellente physiothérapeute qui m’a expliqué que les chances de guérison totale d’un cancer augmentent de 40% lorsqu’on pratique une activité physique. J’ai arrêté le sport de haut niveau il y a un moment et aujourd’hui je me concentre sur des activités en extérieur. Je marche beaucoup, je fais du roller, du ski de fond, de la via ferrata et du stand up paddle. J’aime profiter de l'extérieur et allier l’utile à l'agréable. Je ne suis plus centrée sur la performance mais vraiment sur le fait de profiter de la nature et de nourrir ma quête de spiritualité.
J’ai la chance d’avoir un club de santé aussi près de chez moi à Annecy où je me rends de temps en temps, l’ambiance est top, j’y rencontre des personnes en rémission, des petits vieux et des personnes qui sont là pour profiter de la vie, tout simplement. C’est un vrai bonheur et on est très unis.
Je redécouvre les sensations, je suis encore plus sensible et je profite bien plus de chaque instant. Je suis également très bien entourée, que ce soit entre gens malades, entre aidants comme avec mes amis, j’ai même renoué avec certaines connaissances et je redécouvre des proches que j’avais perdu de vue. Je fais aussi beaucoup de puzzles, ça m’apaise ! Même si ça me rend aussi folle parfois ;)
Tu as lancé il y a quelques années un magazine éducatif sportif gratuit dédié aux enfants, Salto. Peux-tu nous raconter un peu d'où est venue cette idée pour toi ?
Frédérique : Salto c’est un magazine gratuit à propos du sport des enfants. Je suis convaincue que le sport est vecteur de valeurs et que c’est l’école de la vie… de ce qu’on apprend sur soi, sur les autres, sur le respect des règles, le respect de soi-même et le respect de la hiérarchie.
L’idée de Salto m’est venue de ma fille, on était deux à vouloir monter un magazine et un jour ma fille m’a dit qu’elle aussi elle voulait gagner des médailles comme moi. Je n’ai pas su quoi lui répondre, je suis allée chercher des réponses sur internet mais je n’ai rien trouvé alors l’idée a fait son chemin et j’ai décidé de lancer un magazine pour aider les parents face à la pratique du sport de leurs enfants.
Il est vital que les enfants fassent du sport et l’idée se Salto, c’est de s’entraider et en tant que parents, d’être un peu plus armés face aux différentes pratiques. C’est comme une boîte à outils où on trouve un peu tout ce dont on a besoin pour choisir le bon sport et la bonne pratique pour ses enfants, que ce soit à l'école comme en compétition. C’est un gros challenge évidemment car je le veux gratuit pour qu’il soit accessible à tous, mais pour cela... il faut des partenaires. Mais en tant qu’association, j’imagine que vous savez très bien de quoi je parle !
Quand on a découvert ce magazine chez KAB, on a tout de suite voulu en parler sur nos réseaux, c’est exactement le genre d’initiatives que nous essayons de soutenir et créer de notre côté aussi. Plus la sensibilisation se fait tôt, mieux elle est intégrée comme un réflexe par les jeunes et plus elle permet de sauver des vies ! Est-ce que tu connais l’appli Keep A Breast ?
Frédérique : La sensibilisation dès le plus jeune âge est importante en effet car elle permet de changer les habitudes et d’en créer de nouvelles. Je n’ai pas encore eu l’occasion de me pencher sur l’appli mais je pense que c’est primordial aujourd’hui de pouvoir connaître sa normalité et ce, dès le plus jeune âge. C’est aussi ce qui m’a sauvée ! Je télécharge l’appli très vite, c’est promis :)
Merci infiniment Frédérique pour toutes tes réponses, on te souhaite beaucoup beaucoup de force, on pense fort fort à toi pour traverser cette épreuve. Est-ce que tu aimerais ajouter un petit mot de la fin pour les frères et sœurs de combat qui te lisent aujourd’hui ?
Frédérique : À toutes les jeunes filles et demoiselles, apprenez à vous palper, grâce à l’appli c’est encore mieux ! Et à toutes mes sœurs de combat, écoutez-vous, personne ne vous connaît mieux que vous-même. Trouvez des projets, trouvez des gens sur qui compter et multipliez les activités, cela maintient en vie ! Mais bien sûr écoutez-vous et surtout reposez-vous quand vous en avez besoin, vous seule savez ce qui vous fera du bien.